Dernièrement j’ai pu discuter avec le prof. Jacques Famery de l’exercice «Les gens chez eux» qu’il propose aux étudiants d’architecture, dont j’avais parlé ici. Je reprend ici ces notes, une sorte de manifeste contre les egos des architectes, qui permettent peut etre de comprendre mieux la subtilité de ce type d’expérience.
Le langage de l’architecte est un langage de spécialiste donc un langage particulier avec ses codes, instruments et moyens de représentation signifiant à la fois une culture , une conscience, ou même un niveau de conscience, qui soulignent une idéologie, l’idéologie de la bourgeoisie (il n’y a pas d’autre idéologie actuellement), laquelle implique entre autre une séparation du travail “rationnelle”, selon sa propre logique….qui a pour conséquence la SEPARATION du producteur -l’architecte- des utilisateurs -les gens qui vont habiter ces productions-
L’architecte en question il ne connait pas, en général, ces gens, sinon de manière déformée, par ses concepts et codes.
Voici donc la séparation du travail qui séparant finalement des gens.
Ces gens ont pourtant leur PROPRE langage ou encore leurs propres demandes et projections qui ne sont pas globalement celles des architectes, lesquels tellement ignorants de leurs demandes REELLES se prennent souvent pour des génies( voir nos t-shirts I AM NOT JEAN NOUVEL), tandis que leur “langage” ne fait que les renforcer dans leur estime de soi, c’est-à-dire dans leur égocentrisme d’intellectuels spécialistes du dessus de la foule.
Pour ne pas les brimer dans leur spécialisation et aussi dans leur égo, je demandais donc d’abord aux étudiants de développer (encore plus) leur égo, mais ici, sans hypocrisie ni complexe, et de créer franchement POUR SOI, cela afin de renforcer la confiance eux-mêmes : d’où les exercices Balcon pour Roméo et Juliette, la maison de vos rêves, etc, le but étant de développer leur créativité-liberté afin de diminuer leur rationalité-refoulement (ci-dessus une de ces maquettes «sensorielles»).
Avec une ironie: un exercice pour créer la maison d’un très très très grand architecte, pour le développement de leur sens critique et la relativisation de leur égo.
Jusque là, et comme dans tous les autres cours, et dans toutes les autres écoles de la rationalisation “rationnelle”, l’étudiant n’a toujours pas vu ses actuels ou futurs cobayes.
D’où «Les gens chez eux» en architecture, où l’étudiant ne doit plus agir en spécialiste au-dessus d’eux mais AVEC eux et donc sans leur imposer ses codes, outils et moyens de représentation….et son égo, bref sans faire le Nouvel ou le Berlusconi (décidément Marx n’est pas complètement mort)…
Ici l’architecte qui certes possède ses connaissances, ne cherchera pas à les enseigner: au contraire, il effacera son ego devant l’utilisateur et deviendra une sorte d’animateur et d’incitateur, l’invitant, à partir des désirs REELS de ces gens,à découvrir ses propres créations et représentations. Ensuite et ensuite seulement, l’architecte pourra l’aider en lui apportant quelques solutions, du bon sens écologique, économique et technique.
Bref, espérais-je, il l’aura amené à inventer la maison des REVES dont il a REELLEMENT ENVIE ( il sera alors EN VIE et peut-être l’architecte aussi)
Imaginons un monde où les architectes seraient heureux… ils ne dessineraient plus alors des bâtiments SANS VIE.